Il y a ce truc, des gens qui visitent ma ville, et me racontent ce qu’ils y voient, écorchant ma peau de leur regard acerbe. Et j’ai failli devenir comme ça, mes yeux n’accrochant que les caricaturales arêtes d’une ville capable de te prouver que tu as tort aussi vite qu’elle change de climat.
Ainsi, hier, les féministes, celles avec l’étiquette forte et voyante, me peinaient, le café manquait de saveur, l’érotisme manquait de sexe. Le bleu me gagnait un peu, à nuit, jusqu’à me perdre dans des livres maudits.
Aujourd’hui, Montréal me sort le grand jeu, aguichant mes yeux, enivrant mes oreilles, titillant ma pensée. Montréal me prend dans mes vices, m’emmène dans ses joies, me culbute le regard.
Café bon à petit matin, une brûlerie déserte mais qui fait rudement du bien. Pas une adresse signée Lonely Planet, oh non : c’est @alcoolafiction qui me l’a conseillée. Et c’était bon.
Et puis errance solitaire dans les rues, marteler le béton, d’un pas léger. Aujourd’hui c’est soleil, et demain c’est coquetel. Et pour cette première rencontre avec le charmant Thomas Gunzig, je vais tenter de rester digne. Adieu robe fragile et talons bobine, le carton dit ‘tenue décontractée”. Sauf que. C’est mon premier coquetel. Je suis une louve sauvage, moi. Alors quoi ? Je dois être polie, ne pas prononcer le mot sexe et garder mes yeux dans ma poche ? Ca tombe bien, je suis timide. Je fais très bien tapisserie. Mais soit, un jour à la fois.
Et puis, musarder encore, au parc. Regarder les écureuils. Un papa négocie avec sa fille qui refuse de retourner dans sa poussette. Un homme pince des cordes verticales au bord du lac, et c’est beau, harpe d’ailleurs et bruits de vent. Les vélos sur leur allée, les promeneurs, ceux qui rentrent du boulot, qui vont au théâtre ou chez le dépanneur sur la leur. Il y a ces chiens bizarres qu’on ne voit qu’aux Amériques. On dirait qu’on a oublié de leur mettre des pattes.
Il suffit de quelques degrés, et la ville grise hier se réveille verte. Les squirréels, (mon correcteur s’est trompé mais je trouve ça joli, tu comprendras bien, n’est ce pas ?) bondissent de branche en branche, et s’approchent de mon banc, avec une audace et un charme qu’aucun pigeon n’aura jamais . Il y a beaucoup d’hommes dans ce parc. Des jeunes, des vieux, des endormis. Des skaters, des hipsters, des joggeurs. Je touche pas, je regarde. L’écureuil est à un mètre maintenant. Il me surveille, l’oeil en biais , et s’éloigne au moindre de mes mouvements. Couillon, va.
Et puis, à fin de jour, il y avait ce rendez-vous. Oui, c’est bien cette vie, dont chaque soirée à son rendez-vous, sur le coup des 18 heures. Je ne rentre pas trop tard, je peux même écrire un peu, et me réveiller à temps pour croiser le fuseau horaire de ceux que j’aime.
Donc ce rendez-vous. Dans un bar à cocktails. Avec une femme. Une femme qui écrit, qui pense, baise et boit. Les jours se suivent et ne se ressemblent pas, tu vois. Alors on a parlé. On a pensé. On a bu. Un. Deux. Assez. On a levé les tabous. J’ai dis sexe, elle a dit peau, j’ai dit moite, elle a souri. Léger et plein, comme se dégoter un miroir d’idées, qui cherchent plus qu’elles ne trouvent. Etre subtiles, envisager autrement, raconter le désir plus que l’érotisme. Oui, je préfère une chute de rein qui se dévoile doucement à un gros plan de chatte épilée. Je l’ai dit, et c’est vrai. C’est là, une des nuances entre porn et doux, pour moi. Suggérer ou montrer, inspirer ou gaver, caresser ou branler. Note, branler, ça passe. Bref, comment explorer avec des mots acceptables voire même jolis les élans de la chair, les pulsions d’envie, le corps qui jouit… Oh ce plaisir à écrire le plaisir, tu sens ? Il y a des choses qui vont bien dans ce monde, et le sexe joyeux en fait partie.
Alors, se sentir comme à la maison. Comme à vingt ans, la pensée en ébullition, le cerveau nourri, le corps aussi, et les mots qui équilibrent entre concepts et vie, qui mêlent et créent de nouveaux rapports aux choses. Mettre l’émoi dans le sperme, mettre les mathématiques dans les émotions.
J’aurais passé la nuit à boire du Shelby dans ce bar. Mais la musique, agressive, le bruit, les gens. Et le travail qui attend, les peaux d’hommes qui frissonnent à mon objectif, les mots qui mûrissent au bout de mes doigts… Savoir arrêter une journée , c’est aussi important. Alors je suis repartie dans la nuit noire, dans la séduction d’une ville. Dans la richesse des réactions des femmes qui m’ont écrit suite aux mots d’hier. Dans le sourire de cet homme qui grandit, loin, et lève la tête. J’ai traversé quelques pâtés de maison, des rues que je ne connaissais pas, d’une ville que je découvre chaque jour un peu plus, d’une société cousine, si proche et différente à la fois. Je n’avais pas peur. La nuit sinon le sexe apaise toujours le chaos dans ma tête.
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